Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques, romaines et gauloises / Anne Claude Philippe de Caylus.- Tome 5.- Paris : Nicolas-Martin Tilliard, 1762 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, M 58710-05)

Du 2 au 30 novembre 2021, dans le cadre du Livre ancien du mois, le Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et romaines (et gauloises à partir du tome 3), d’ordinaire conservé au Fonds ancien, est exposé à la Bibliothèque Michel Foucault.

« Je me suis borné à ne publier dans ce Recueil que les monumens qui m’appartiennent, ou qui m’ont appartenu. »

Écrivain, voyageur, antiquaire, collectionneur, Anne Claude Philippe de Pestels de Lévis de Tubières-Grimoard, comte de Caylus (1692-1765), se faisait prêter des objets pour étude et confiait ceux qu’il avait acquis, après description, dessin et analyse, au Cabinet du roi. La présentation de ces quelque 2900 antiquités a donné lieu à un recueil de 7 tomes. Initialement parus entre 1752 et 1767, ils rassemblent plus de 800 planches gravées sur cuivre.

 

Le comte de Caylus (1692-1765)

De très haute noblesse, Anne-Claude-Philippe de Tubières-Grimoard de Pestels de Lévis, comte de Caylus, commença par servir dans l’armée royale. Il démissionna, préférant le voyage en Italie (1714-1715) et en Asie mineure (1716-1717). En 1722, il visitait l’Angleterre et la Hollande.

Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques, romaines et gauloises / Anne Claude Philippe de Caylus.- Tome 7, Supplément.- Paris : Nicolas-Martin Tilliard, 1767 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, M 58710-07)

À Paris, ce petit-neveu de Madame de Maintenon (1635-1719) fréquenta l’hôtel du financier et collectionneur Pierre Crozat (1665-1740). Sous l’égide de Watteau (1684-1721), il s’y adonna au dessin et à la gravure. Avec un autre habitué de la demeure, l’amateur et critique d’art Pierre-Jean Mariette (1694-1774), il participa au Recueil d’estampes d’après les plus beaux tableaux et d’après les plus beaux desseins qui sont en France, dit « Recueil Crozat » (du nom de l’initiateur). Mariette rédigea tous les commentaires, Caylus grava une partie des œuvres. Seuls 2 tomes parurent, en 1729 (École romaine, 1re et 2de partie) et 1742 (suite de l’École romaine et École vénitienne).

C’est aussi en 1729, après le décès de sa mère, que le comte de Caylus commença à collectionner les antiquités. Il entretenait un vaste réseau de correspondants à travers l’Europe. L’abbé Paciaudi (1710-1785) en particulier l’informait des fouilles italiennes (Herculanum, Pompéi) et prospectait pour enrichir son cabinet.

Caylus fut reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1731, à celle des Inscriptions et Belles-Lettres en 1742.

Généreux mécène, graveur prolifique (de reproduction essentiellement), il laissa de multiples écrits sur l’art, les antiquités, mais également de la littérature populaire ou licencieuse, des contes féeriques ou orientaux, des pièces de théâtre confidentielles, des traductions/adaptations de romans de chevalerie.

Publication et organisation du recueil

Le Recueil d’antiquités constitue l’œuvre majeure de Caylus. Le 1er tome, publié en 1752, fut le seul à être réimprimé (en 1761). En 1767, sortait le 7e et dernier tome, un supplément posthume établi par M. de Bombarde d’après les manuscrits de Caylus. À partir du tome 3 (1759), le Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et romaines devint Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques, romaines et gauloises. À noter que parmi les antiquités « gauloises » peu sont antérieures à l’époque gallo-romaine. La Pierre levée de Poitiers et les alignements de Carnac font figure d’exception.

La succession des qualificatifs au titre correspond aux subdivisions en chapitres et au chemin emprunté, selon Caylus, par les arts grâce au commerce noué entre les nations :

Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et romaines / Anne Claude Philippe de Caylus.- Tome 1.- Nouvelle éd..- Paris : Jean Desaint, Charles Saillant, 1761 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, M 58710-01)

On les voit formés en Egypte avec tout le caractère de la grandeur ; de-là passer en Etrurie, où ils acquièrent des parties de détail, mais aux dépens de cette même grandeur ; être ensuite transportés en Grèce, où le sçavoir joint à la plus noble élégance, les a conduits à leur plus grande perfection ; à Rome enfin, où sans briller autrement que par des secours étrangers, après avoir lutté quelque temps contre la Barbarie, ils s’ensevelissent dans les débris de l’Empire. (Avertissement du tome 1, p. IX-X)

Chaque chapitre s’ouvre par un avant-propos théorique, suivi de l’explication des planches et des planches elles-mêmes, gravées sur cuivre. Très rarement signées, celles-ci dépassent les 800 et figurent plus de 2900 objets.

Si les lettres ornées gravées sur bois n’ont rien de remarquable, les bandeaux, culs-de-lampe sont généralement constitués d’antiquités gravées sur cuivre (sauf au tome 7). Ils sont expliqués au début de chaque tome, de même que les frontispices et les vignettes au titre.

Méthode du comte de Caylus

Caylus accordait la primauté aux objets, prônait l’observation directe. « Je me suis borné à ne publier dans ce Recueil que les monumens qui m’appartiennent, ou qui m’ont appartenu », déclare-t-il au début de l’avertissement du tome 1. Dès le tome suivant, il reconnaît toutefois quelques écarts. Contrairement à ses prédécesseurs, comme Bernard de Montfaucon (1655-1741), auteur d’une monumentale Antiquité expliquée et représentée en figures (1719), il ne faisait pas œuvre de philologue, ne cherchait pas dans les objets un moyen de confirmer ou éclairer les textes anciens.

Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et romaines / Anne Claude Philippe de Caylus.- Tome 1.- Nouvelle éd..- Paris : Jean Desaint, Charles Saillant, 1761 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, M 58710-01)

La comparaison entre de nombreuses pièces devait permettre à l’antiquaire de déterminer le « goût d’une nation », son évolution à travers le temps et donc de classer les découvertes selon leur origine géographique et leur époque. Le comte de Caylus affectionnait les « guenilles d’agate, de pierre, de bronze, de terre, de vitre » (lettre à Paciaudi, 1758). Il s’intéressait aux usages, aux matériaux, aux techniques de fabrication. Il rédigea d’ailleurs un Mémoire sur la peinture à l’encaustique (1755), procédé antique qu’il tenta de ressusciter.

Les objets reçus par le comte, qu’il les possédât ou qu’ils lui aient été prêtés, étaient minutieusement examinés, dessinés, gravés, au fur et à mesure des arrivées. Illustrations et explications, placées dans la subdivision adéquate, formaient ainsi des tomes successifs. « Je ne fais pas un cabinet, je fais un cours d’antiquités », écrivait Caylus à Paciaudi. Aussi les pièces de sa collection rejoignirent-elles, de son vivant ou après sa mort, le Cabinet du roi. Les antiquités du comte séjournent à présent au département des Monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Celle-ci détient également ses dessins et gravures, au département des Estampes et de la photographie, et ses manuscrits, au département des Manuscrits.

Une redécouverte récente

Très connu de son temps, le comte de Caylus tomba par la suite dans un relatif oubli. La raison principale en est sans doute l’ombre jetée sur lui par Winckelmann (1717-1768). Avec sa Geschichte der Kunst des Alterthums, parue en 1764 et traduite en français en 1766 sous le titre Histoire de l’art chez les Anciens, ce dernier est généralement considéré comme le fondateur de l’histoire de l’art et de l’archéologie.

Depuis les années 1990 cependant, sous l’impulsion de Marc Fumaroli (1932-2020), qui lui consacra un cours au Collège de France, le comte de Caylus bénéficie d’un regain d’intérêt. Un colloque international « Le comte de Caylus : les arts et les lettres » fut organisé en 2000. En 2002, 250 ans après la parution du 1er tome du Recueil d’antiquités, une exposition « Caylus mécène du roi. Collectionner les antiquités au XVIIIe siècle » était inaugurée au musée des Monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Cette manifestation relevait déjà du programme européen de recherche AREA (Archives of European Archaeology) sur l’histoire et les archives de l’archéologie. Lancé en 1999, il aboutit en 2012 à la mise en ligne d’un site internet, toujours en cours d’enrichissement, consacré au comte et à son œuvre majeure.

Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et romaines / Anne Claude Philippe de Caylus.- Tome 1.- Nouvelle éd..- Paris : Jean Desaint, Charles Saillant, 1761 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, M 58710-01)

L’exemplaire du Fonds ancien

Le Fonds ancien des bibliothèques universitaires de Poitiers conserve les 7 tomes du Recueil d’antiquités du comte de Caylus, le 1er dans la réimpression de 1761. Rien ne permet de déterminer leur provenance. La reliure est d’époque, en veau, avec des gardes en papier marbré. Les tranches dorées attestent d’une reliure soignée.

 

Sources consultées

Comte de Caylus. Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques, romaines et gaulois, Édition numérique et commentée [ressource en ligne], BnF, INHA, ANHIMA, Paris, 2012, qui propose notamment une bibliographie du comte de Caylus et une bibliographie sur le comte de Caylus en matière d’art et d’archéologie

AGHION Irène (dir.), Caylus mécène du roi : collectionner les antiquités au XVIIIe siècle : [exposition, Paris, Musée des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, 17 décembre 2002 – 17 mars 2003], Paris, Institut national d’histoire de l’art, 2002 (Collection Portiques)

CRONK Nicholas et PEETERS Kris (éd.), Le comte de Caylus : les arts et les lettres : actes du colloque international Université d’Anvers (UFSIA) et Voltaire Foundation, Oxford, 26-27 mai 2000, Amsterdam, New York, Rodopi, 2004

DÉCULTOT Elisabeth, Musées de papier : l’Antiquité en livres, 1600-1800 : [exposition, Paris, Musée du Louvre, 25 septembre 2010 – 3 janvier 2011], Paris, Gourcuff Gradenigo, Musée du Louvre, 2010

FUMAROLI Marc, Dans ma bibliothèque : la guerre et la paix, Paris, les Belles lettres, Éditions de Fallois, 2021

GUICHARD Charlotte, Les amateurs d’art à Paris au XVIIIe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2008 (Époques)

LEHOUX Élise, Mythologie de papier : donner à voir l’Antiquité entre France et Allemagne (XVIIIe siècle-milieu du XIXe siècle), Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2018 (Histoires), p. 38-45

POMIAN Krzysztof, Collectionneurs, amateurs et curieux : Paris, Venise : XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1987 (Bibliothèque des histoires), p. 195-211

QUEYREL François, « Caylus, de l’antiquaire à l’archéologue : une méthode différente de celle de Winckelmann » [ressource en ligne], dans L’idée du style dans l’historiographie artistique. Variantes nationales et transmissions, sous la dir. de S. Frommel et A. Brucculeri, Rome, Campisano, 2012 (Hautes études Histoire de l’art), p. 231-239

ROCHEBLAVE Samuel-Élie, Essai sur le comte de Caylus : l’homme, l’artiste, l’antiquaire : thèse présentée à la Faculté des Lettres de Paris [ressource en ligne], Paris, Librairie Hachette et Cie, 1889

SCHNAPP Alain, La conquête du passé : aux origines de l’archéologie, Paris, Carré, 2020, p. 236-241

 

Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques, romaines et gauloises / Anne Claude Philippe de Caylus.- Tome 6.- Paris : Nicolas-Martin Tilliard, 1764 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, M 58710-06)

Stéphanie Daude

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