Du 3 au 31 janvier 2022, dans le cadre du Livre ancien du mois, le Traité physique et historique de l’aurore boréale de Jean-Jacques Dortous de Mairan, paru en 1733, est exposé à la BU Sciences campus.

Traité physique et historique de l’aurore boréale / Jean-Jacques Dortous de Mairan. Paris : Imprimerie royale, 1733 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, M 5054)

 

Parcours d’un savant de renommée européenne

Jean-Jacques Dortous de Mairan est né à Béziers le 26 novembre 1678. Il fit ses études à Toulouse et les compléta, de 1698 à 1704, à Paris où il reçut les enseignements de Malebranche, puis il revint dans sa ville natale.
Il obtint ses premières distinctions de l’Académie de Bordeaux qui lui décerna le prix de physique trois années de suite, de 1715 à 1717, pour ses dissertations sur les variations du baromètre, sur la glace et sur la cause de la lumière des phosphores et des noctiluques. Si bien que l’Académie lui demanda de ne plus concourir et l’admit comme membre.
En 1717, Mairan s’installa à Paris, son ascension y fut rapide. En 1718, il obtint la place d’associé géomètre à l’Académie royale des sciences et seulement sept mois plus tard, en 1719, il fut élu pensionnaire géomètre, une position prestigieuse et enviée.
L’esprit brillant, la douceur de caractère et le sens des relations humaines de Mairan lui ouvrirent les portes de la cour et des salons parisiens, dont celui de Madame Geoffrin (qui fut sa légataire universelle). Il devint secrétaire perpétuel de l’Académie royale des sciences en 1741, fonction à laquelle il renonça en 1743, las des rivalités et des attaques qu’il y suscitait. Cette même année il fit son entrée à l’Académie française. Savant reconnu dans l’Europe entière, il fut aussi membre de plusieurs autres académies et sociétés savantes (Londres, Édimbourg, Uppsala, Saint-Pétersbourg, Bologne). Voltaire considérait Mairan, bien avant sa mort en 1771, comme l’un des cinq plus remarquables savants du XVIIIe siècle.

Un savant aux multiples centres d’intérêts

Physicien, mathématicien, Mairan s’intéressa à beaucoup de domaines scientifiques, optique, acoustique, mécanique et dynamique, astronomie, géophysique, météorologie et climatologie, et même botanique. Les nombreux traités et articles qu’il écrivit furent publiés dans les Mémoires de l’Académie des sciences. Trente-deux mémoires sont ainsi parus entre 1719 et 1765.
Quelques exemples de ses travaux et découvertes peuvent être mentionnés. La mise au point d’une méthode précise pour le jaugeage des navires constitua sa première étude majeure (1724). De ses observations astronomiques restent la nébuleuse M43 surnommée la nébuleuse de Mairan (située dans la constellation d’Orion) qu’il découvrit (en 1731) et plusieurs mémoires sur la Lune. En acoustique Mairan travailla sur la propagation du son (1737) et en optique il fut le premier à reproduire les expériences sur la lumière de Newton. En botanique, un article exposant une expérience sur l’ouverture et la fermeture des feuilles d’un mimosa (1729), mit en évidence la nature endogène des rythmes circadiens des plantes. À ce titre, certains le voient comme un texte fondateur pour la chronobiologie.
En raison d’un différend avec D’Alembert, Mairan n’a pas participé à l’Encyclopédie, mais plusieurs articles utilisent comme source principale ses travaux, notamment la Dissertation sur la glace et le Traité physique et historique de l’aurore boréale.

La démarche scientifique de Mairan dans le Traité physique et historique de l’aurore boréale

Traité physique et historique de l’aurore boréale / Jean-Jacques Dortous de Mairan. Paris : Imprimerie royale, 1733 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, M 5054)

Après le mini-âge de glace qui sévit du milieu du XVIIe siècle jusqu’à la fin du règne de Louis XIV en 1715, eut lieu une recrudescence d’aurores boréales. D’ordinaire plus fréquemment observables dans les régions polaires, elles devinrent même visibles jusqu’en Europe méridionale, et certaines, comme en 1716 et 1726, furent particulièrement spectaculaires. C’est dans ce contexte que parut l’ouvrage de Mairan en 1733. L’Académie des sciences avait sollicité son pensionnaire afin d’apporter une explication rationnelle à ces phénomènes effrayant les populations, qui y voyaient une origine surnaturelle et un présage de catastrophes.

Pour cela Mairan collecta de très nombreuses données historiques quantitatives, parcourant les sources où étaient mentionnées des aurores boréales sur une période allant de 500 à 1731 (1751 pour la seconde édition du traité). Il s’appuya également sur les témoignages de correspondants et d’observateurs contemporains et sur ses propres observations. Cette approche statistique révèle une méthodologie résolument moderne. L’idée de Mairan était de mettre en évidence une régularité des apparitions des aurores et son intuition fut d’établir une corrélation entre ces cycles de reprises et l’accroissement de la lumière zodiacale et des taches solaires.

Les différentes théories sur les aurores au XVIIIe siècle

Mairan attribua l’origine des aurores boréales à la lumière zodiacale qui pour lui n’était « autre chose que l’atmosphère solaire », cette matière solaire s’enflammant au contact de l’atmosphère terrestre. Il refusa l’implication du magnétisme terrestre, comme dans la théorie d’Edmond Halley, ou celle de l’électricité, comme dans l’explication de Benjamin Franklin. Le mathématicien suisse Leonhard Euler invoquait quant à lui l’impulsion des rayons solaires, objectant à Mairan que l’atmosphère solaire ne pouvait s’étendre jusqu’à la Terre. En réponse à cette critique, Mairan fit paraître, en 1754, une seconde édition de son traité, considérablement augmentée d’« Éclaircissements » et comprenant un corpus de données largement enrichi.
Tombée dans l’oubli dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’hypothèse de l’académicien redevint d’actualité avec des travaux, à la fin du XIXe siècle, démontrant que les taches solaires émettaient des particules parvenant jusqu’aux abords de la Terre où elles étaient captées par le champ magnétique terrestre.
Enfin, au milieu du XXe siècle, l’observation par les satellites de ce qu’on appela le « vent solaire » (l’atmosphère solaire de Mairan), acheva de confirmer l’hypothèse du savant.
Mairan eut ainsi un rôle fondateur pour la physique des relations Soleil-Terre. Ce physicien intuitif et perspicace fut en quelque sorte un précurseur d’une discipline nouvelle, la physique cosmique.

Des illustrations en noir et blanc pour un phénomène haut en couleur

Traité physique et historique de l’aurore boréale. Seconde édition, revûe, & augmentée de plusieurs éclaircissemens / Jean-Jacques Dortous de Mairan. Paris : Imprimerie royale, 1754

La première édition du Traité physique et historique de l’aurore boréale était illustrée de quinze planches, composées pour la plupart de figures géométriques ou de représentations d’aurores observées en France en 1721, 1726 et 1731. Bien que techniquement il eût été possible de réaliser des gravures en couleur, et que le sujet s’y prêtât particulièrement, ce ne fut malheureusement pas le cas.
Dans la seconde édition, deux planches furent ajoutées, dont l’une représentant une aurore vue à Montpellier le 16 décembre 1737. La source en était une observation envoyée à Mairan, accompagnée d’un dessin colorié. Dans la reproduction gravée, Mairan imagina l’utilisation du code de l’héraldique pour figurer les couleurs par un système de points et de hachures. Une restitution en couleur de cette planche a été effectuée, par ordinateur, en 2014.

 

Bibliographie

 

Sandrine Painsard

 

 

 

  • Vos BU sur les réseaux sociaux !