L’inspiration BD : l’erreur est humaine, la fin du monde aussi
Parmi les diverses formes que peut prendre la peur, il y en a une qui a traversé les âges : la peur de la fin du monde. Ce sujet a toujours été une source d’inspiration, notamment pour les auteurs de science-fiction. Finalement, le problème est surtout de savoir à quelle sauce l’humanité va être mangée : une apocalypse zombie, la vengeance de Dame Nature, des aliens ou une guerre thermonucléaire pour obtenir le peu de ressources qu’il nous reste ? De la même manière que les irréductibles gaulois craignent que le ciel ne leur tombe un jour sur la tête, l’humanité redoute en permanence l’approche de son extinction et ne cesse de tenter de trouver des moyens d’empêcher l’inévitable tout en se posant la question : peut-empêcher la fin du monde ?
C’est sur cette base qu’ont été réalisés les trois bande dessinées suivantes. À travers ces trois ouvrages dont le contenu traite principalement des différents moyens avec lesquels nous pourrions sauver notre chère planète bleue, les auteurs nous invitent à la réflexion et au débat dans des récits et des faits donneront aux lecteurs de nombreuses connaissances qui les aideront à mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.
Côté albums : la peur à tout âge
Paloma et le vaste monde
Album de littérature jeunesse de Véronique Ovaldé, illustré par Jeanne Detallante paru aux éditions Actes Sud junior en 2015
Trois sœurs restent quasiment cloîtrées chez elles sous surveillance maternelle depuis la mort accidentelle de leur père, pilote d’avion. Sortir de cet univers représente un tel danger et leur procure une telle peur qu’elles se contentent uniquement de leur appartement de trois pièces et de leur rue. Pourtant l’une d’entre elles, Paloma (dite Colombe) semble difficilement accepter cette vie confinée. Elle regarde inlassablement les souvenirs rapportés des endroits visités par son père, à savoir des boules de neige…
Voilà ici un bel album avec des illustrations qui se répondent certaines en noir et blanc et d’autres avec une profusion de couleurs. Un album où le désir de vivre l’emporte sur la peur et la mort lorsque Paloma ouvre enfin une brèche…
Ouvrage ayant été élu Pépite d’or 2015 au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil.
L’été de Garmann
Album de littérature jeunesse de Stian Hole paru aux éditions Albin Michel jeunesse en 2008
Trois vieilles tantes toutes ridées débarquent à la fin de l’été avec leur gâteau à la meringue ; un petit garçon nommé Garmann a des papillons noirs qui lui chatouillent le ventre à l’idée de faire son entrée à l’école dans quelques jours ; une maman douce et aimante se fait du mouron et un père, concertiste de son métier, jamais vraiment présent, redoute d’être souvent séparé de sa famille… Chacun y va de sa complainte, s’épanche sur ses craintes, se morfond du passé et s’inquiète de l’avenir…
Voilà également un bel album avec des illustrations d’un réalisme exceptionnel. Les montages à partir de dessins, photographies, peintures et collages apportent un visuel puissant et intense. Un album où les thèmes de la peur du lendemain, du temps qui passe, de la vieillesse ou encore de la mort sont abordés avec nostalgie et humour.
Ouvrage ayant été primé à Bologne (prix Bologna Ragazzi) et ayant été distingué dans la catégorie Albums du Prix Sorcières en 2009.
Billy se bile
Album de littérature jeunesse d’Anthony Browne paru aux éditions Kaléidoscope en 2006
On suit ici Billy, un enfant inquiet qui, au moment du coucher, ne parvient pas à fermer l’œil de la nuit. Des chapeaux, des chaussures, des nuages et même la pluie, passés au crible de son imagination, deviennent des être effrayants et des objets de tracas. Même les câlins de ses parents ne lui sont d’aucun secours pour combattre ce que son esprit convoque. Il ira se confier à sa grand-mère qui lui proposera un remède aussi étonnant qu’efficace…
L’album aborde les angoisses que peuvent ressentir les enfants surtout la nuit lorsqu’ils se retrouvent seuls. L’auteur-illustrateur bien connu qu’est Anthony Browne traduit subtilement et sans pareil les peurs du quotidien des enfants. Ici, les expressions de son personnage ainsi que le truchement de pages illustrées en noir et blanc ou inversement aux couleurs de l’arc-en ciel produisent un joli effet.
Alice : Voyage au pays des cauchemars

Avant que le titre Alice au Pays des Merveilles ne soit adopté, Lewis Carroll avait intitulé le premier volume des aventures de son héroïne Alice’s Adventures Underground. Ce dernier mot invoque immédiatement à notre esprit un univers inquiétant et oppressant, que les nombreuses illustrations et adaptations ne manquent jamais de représenter.
Les dangers sont en effet légion : chute interminable dans les entrailles de la terre, nourriture et boissons aux effets incontrôlables sur le corps, maison que l’on menace de brûler alors qu’elle y est enfermée, procès mortel… Les personnages que rencontre Alice, pour fantastiques qu’ils soient, n’en sont pas moins tyranniques et effrayants : chapelier fou, chat au sourire carnassier, animaux et créatures à taille humaine, Reine faisant (littéralement !) tomber les têtes… Aucun ne souffre la contradiction, et Alice est constamment sommée de se taire !
C’est un thème universel qu’aborde ici Lewis Carroll : la peur de grandir. Au fil de ses pérégrinations, pourtant, Alice apprend à maîtriser son corps et ses pensées. Lors du procès, elle domine l’auditoire tant par sa taille que par la justesse de ses paroles. Mais il lui faudra effectuer un second voyage, de l’autre côté du miroir, pour que son apprentissage soit couronné de succès, tant au sens propre qu’au sens figuré.
Une œuvre à relire et partager à tous les âges, pour le plaisir des yeux et des oreilles !
Bibliographie sélective :
- Les versions originales :
- Quelques versions françaises :
- Quelques albums… :
- Pour aller plus loin :
- « Dirty Alice », un article sur l’adaptation cinématographique de Jan Švankmajer, Alice (1989). Disponible sur le site Critikat.
- « Curiouser and Curiouser: An Exploration of Surrealism in Two Illustrators of Lewis Carroll’s Alice », une étude comparative des illustrations de l’oeuvre de Lewis Carroll John Tenniel, son premier illustrateur, et Salvador Dali, maître surréaliste. Disponible via Odébu+
Le coin des chercheurs
Enfin, voici un aperçu de la production des chercheurs et chercheuses sur la façon dont la peur est traitée dans les œuvres de fiction à destination de la jeunesse, et de l’intérêt d’aborder ce thème dès le plus jeune âge au lieu de le censurer :
- « La peur dans les illustrations d’albums de littérature jeunesse », par Camille Boulet (2014)
- « Comment faire réfléchir les élèves sur la peur à travers les albums de littérature jeunesse ? », par Léa Aubry (2019)
- « Billy, Nina et Loup noir : quand les personnages des albums de jeunesse aident l’enfant à surmonter ses peurs », par Camille Nicolaï (2016)
- « Peur de rien… peur de tout… : l’enfant et ses peurs « , par Romane Caurier et Pauline Touchard (2022)
- Peur de rien… peur de tout… : l’enfant et ses peur, actes du colloque organisé sous l’égide du Centre de recherche sur le développement de l’enfant et de l’adolescent (CREA) (2001)
Bonne lecture 🙂 !