Du 3 au 31 janvier 2023, dans le cadre du Livre ancien du mois, l’ouvrage la Selva rinovata de Pedro Mexía a été exposé à la Bibliothèque de Sciences, techniques et sport.

Amazone, dans Selva rinovata di varia lettione / Pedro Mexía, Mambrino Roseo da Fabriano, Francesco Sansovino [et al.]. Venise : Ghirardo Imberti, 1626. (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, FAP 3968, 1re partie, p. 20)

 

Pedro Mexía (1497-1551), un humaniste espagnol

Portrait de Pedro Mexía figurant au titre de ses Dialogos. Séville : Fernando Diaz, 1580. Biblioteca Nacional de España, http://bdh.bne.es/bnesearch/detalle/bdh0000100590

ssu d’une noble famille, Pedro (ou Pero en ancien castillan) Mexía étudia le droit à Salamanque. Il était aussi versé en lettres, histoire, mathématiques, astronomie, astrologie, hydrographie et exerça comme cosmographe dans sa ville natale, Séville.

En 1540, il publia la Silva de varia lección, qu’il enrichit jusqu’à la fin de sa vie. En 1545, il donna une Historia imperial y cesárea et en 1547, des Coloquios o Dialogos.

En 1548, il devint chroniqueur de Charles Quint (1500-1558), auquel il avait dédié sa Silva.

Célèbre de son temps dans la péninsule ibérique, Mexía fut ami avec Fernand Colomb (1488-1539), second fils du navigateur et propriétaire de la plus grande bibliothèque privée de l’époque, une collection de 15 000 à 20 000 volumes. Mexía échangea des lettres, en latin, avec Juan Luis Vives (1492-1540), Juan Ginés de Sepúlveda (1490-1573) et même Érasme (1469-1536).

 

La Silva de varia lección (1540)

ans l’épître au lecteur, Pedro Mexía explique pourquoi il a intitulé son œuvre Silva, forêt en latin : « J’ai choisi et il m’a semblé bon d’écrire ce livre de la sorte, par discours et chapitres sur divers sujets, sans m’y étendre ni instaurer d’ordre entre eux ; c’est pourquoi j’ai nommé mon livre Sylve, puisque, dans les forêts et dans les bois, les plantes et les arbres se présentent sans ordre ni règle. »

Il revendique, à juste titre, le caractère novateur de son ouvrage. La Silva de varia lección est en effet le premier recueil de miscellanées en castillan, l’archétype du genre, en latin, étant Les nuits attiques d’Aulu-Gelle (123?-180?), que Mexía cite d’ailleurs. Soucieux des lecteurs non latinistes, le Sévillan a décidé de leur fournir une compilation des connaissances jugées les plus curieuses et/ou les plus utiles à partir des meilleures sources antiques et modernes. Il s’inscrit ainsi parfaitement dans le mouvement humaniste de transmission du savoir en langue vernaculaire.

Occupant trois parties et cent-dix-sept chapitres dans la version originelle de la Silva en 1540, les thématiques abordées par Mexía s’étalent sur quatre parties et cent-quarante-neuf chapitres dans la dernière édition revue par ses soins en 1551. Certaines relèvent toujours du patrimoine culturel commun, telles les Sept Merveilles du monde.

 

Un succès éditorial jusqu’au milieu du 17e siècle

a Silva de varia lección peut s’enorgueillir d’une centaine d’éditions en un peu plus d’un siècle : une trentaine en castillan, autant en français et en italien, cinq en anglais, cinq en hollandais, quatre en allemand.

La première traduction italienne, par Mambrino Roseo da Fabriano (15..-1584?), sortit à Venise en 1544 sous le titre Selva de varia lettione. La traduction française, Les diverses leçons de Pierre Messie, date de 1552. Effectuée par Claude Gruget (15..-1560?), elle se vit adjoindre, à partir de 1577, une suite d’Antoine du Verdier (1544-1600).

Ésope tué par une tortue lancée du ciel, dans : Selva rinovata di varia lettione / Pedro Mexía, Mambrino Roseo da Fabriano, Francesco Sansovino [et al.]. Venise : Ghirardo Imberti, 1638, 1re partie, p. 58. Münchener DigitalisierungsZentrum Digitale Bibliothek
Ces « traductions » étaient en réalité plutôt des adaptations, voire des réécritures, les auteurs s’appropriant la matière de la Silva. D’aucuns n’hésitèrent pas à la compléter, l’imiter. D’autres s’en inspirèrent, comme Montaigne (1533-1592) avec ses Essais.

Parmi les raisons avancées pour expliquer l’oubli dans lequel est tombé ce « best-seller », la désaffection pour les miscellanées.

Le Fonds ancien conserve trois exemplaires de l’œuvre de Mexía : deux éditions lyonnaises (de 1577 et 1592) et une édition italienne de 1626, celle exposée.

 

L’exemplaire exposé

omme l’annonce la page de titre générale, la Selva rinovata comprend cinq textes, rassemblés et pour la plupart augmentés par Bartolomeo Dionigi da Fano. D’abord deux traductions, celle des trois premiers livres de la Silva par Mambrino Roseo da Fabriano et celle des Coloquios par Alfonso de Ulloa (15..?-1580). Suivent deux parties présentées comme des ajouts à la Silva, une par Mambrino Roseo da Fabriano, une par Francesco Sansovino (1521-1583), autre traducteur de Mexía. Cette « forêt renouvelée » se clôt par une imitation, la Nuova seconda Selva rinovata di varia lettione de Girolamo Giglio. La Selva rinovata fut publiée pour la première fois à Venise en 1616.

Contrairement aux deux éditions françaises de la Silva abritées par le Fonds ancien, la Selva rinovata est illustrée. L’édition de 1626 comprend une centaine de gravures sur bois. Quelques-unes se répètent, sans doute par souci d’économie et/ou méconnaissance, tels ces portraits des souverains turcs, où seul le nom a été modifié.

Selva rinovata di varia lettione / Pedro Mexía, Mambrino Roseo da Fabriano, Francesco Sansovino [et al.]. Venise : Ghirardo Imberti, 1626. (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, FAP 3968, 1re partie, p. 37 et 42)

Relié plusieurs fois, restauré en 2003, cet exemplaire ne porte pas (plus ?) de marque permettant d’identifier un ancien possesseur. Le corps d’ouvrage garde cependant trace du passage d’un lecteur. Il a estimé préférable de cacher les parties basses d’Orphée et Eurydice. À l’instar du poète, qui n’aurait pas dû se tourner vers son épouse à la sortie des Enfers, il conviendrait de ne point regarder ?

 

Selva rinovata di varia lettione / Pedro Mexía, Mambrino Roseo da Fabriano, Francesco Sansovino [et al.]. Venise : Ghirardo Imberti, 1626. (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, FAP 3968, 3e partie, p. 179)

Pour aller plus loin

Ressources papier

CERCHI Paolo (dir.), [Secondo] Seminario Susan and Donald Mazzoni, Ricerche sulle selve rinascimentali,  Ravenne, Longo, 1999 (Il portico : biblioteca di lettere e arti ; 115, Sezione Materiali letterari)

COURCELLES Dominique de

PALAU Y DULCET Antonio, Manual del librero hispano-americano : bibliografía general española e hispano-americana desde la invención de la imprenta hasta nuestros tiempos con el valor comercial de los impresos escritos. Tomo noveno, Mena-Molloy, Barcelona, A. Palau, 1956, p. 170-181

Consultable en ligne

CHAULET Rudy, « Pedro Mexía, lecteur et utilisateur des sources antiques dans son Histoire impériale et césarienne (1545) », in Action politique et écriture de l’histoire II, n° XLVII de Cahiers des études anciennes, 2010

COURCELLES Dominique de

GAYARD Laurent, ANDRÉ Marie-Françoise, « Miscellanées, collages et commentaires : fragments d’un discours littéraire de la Renaissance à nos jours (1) », in [Re]penser les langages de l’art, n° 80, 2014/1 de Rue Descartes, p. 100-114

MANDOSIO Jean-Marc, « La miscellanée : histoire d’un genre », in Ouvrages miscellanées et théories de la connaissance à la Renaissance, Paris, Publications de l’École nationale des chartes, 2003

Stéphanie Daude

Selva rinovata di varia lettione / Pedro Mexía, Mambrino Roseo da Fabriano, Francesco Sansovino [et al.]. Venise : Ghirardo Imberti, 1638, 1re partie, p. 125. Münchener DigitalisierungsZentrum Digitale Bibliothek
 

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