Jusqu’au 30 septembre, le Fonds ancien s’associe à l’exposition Indiens d’Amérique du Nord de la Médiathèque François-Mitterrand de Poitiers en présentant à la BU Michel Foucault les Memoires de l’Amerique septentrionale, de Louis Armand de Lom d’Arce, baron de Lahontan (La Haye : Jonas et François L’Honoré, 1703) et quelques autres ouvrages des XVIIIe et XIXe siècles sur les Amérindiens.
Pour la plupart, les auteurs de ces livres décrivent avec précision les mœurs des autochtones d’Amérique et profitent de leurs écrits sur des régions lointaines pour critiquer l’Europe.
Le baron de La Hontan
Sans avenir en France du fait de la faillite de son père et des affaires douteuses de sa mère, le baron de La Hontan (1666-1716) partit pour le Canada avec une compagnie de marine française afin de participer à la guerre contre les Iroquois. Il prit part à des expéditions militaires et découvrit la vie des Amérindiens. Il apprit la langue des Algonquins et chassa avec eux ; il rencontra également le chef huron Kondiaronk. Après un conflit avec son supérieur, il erra en Europe, puis publia en Hollande plusieurs ouvrages, dont les Nouveaux voyages : il décrit dans ces 25 lettres adressées à un parent fictif sa vie de jeune officier et y fait preuve de grandes qualités d’observation.
Les Memoires de l’Amerique sepentrionale (La Haye : Jonas et François L’Honoré, 1703) , qui constituent le deuxième tome des Nouveaux voyages, sont très riches : l’auteur propose des descriptions détaillées de la géographie, de la faune, de la flore et de l’organisation administrative de l’Amérique du Nord, ainsi que de la vie des colons et des Amérindiens, avec une approche ethnologique.
Dans les Dialogues de M. le Baron de Lahontan et d’un sauvage dans l’Amérique, que l’on peut considérer comme le troisième tome des Nouveaux voyages, l’Européen est critiqué au profit des Amérindiens ; le « sauvage » porte le nom d’Adario, anagramme partiel du nom du chef huron que La Hontan a rencontré. Il s’agit, comme le Dictionnaire historique et critique de Bayle, d’un ouvrage pionnier pour la pensée moderne ; il regroupe tous les thèmes importants pour les Lumières et pousse très loin la critique, en envisagent la suppression de l’Eglise.
Joseph-François Lafitau
Le père Joseph-François Lafitau (1681-1746) étudia longtemps ; il passa notamment 3 ans (1706-1709) à Poitiers, où il se consacra à la philosophie et à la théologie. Missionnaire jésuite, il s’installa en 1712 au Canada au milieu des Iroquois du Sault de Saint-Louis. Après les avoir observés attentivement, il décrivit selon une méthode scientifique, dans Mœurs des sauvages ameriquains, comparées aux mœurs des premiers temps (Paris : Claude-Marin Saugrain, Charles-Estienne Hochereau, 1724), publié en deux tomes (tome 1 et tome 2), leurs mœurs, si bien qu’il est vu comme l’un des pionniers de l’ethnologie comparée.
François-Jean de Chastellux
Militaire, le chevalier de Chastellux (1734-1788) fut envoyé en 1780 en Amérique pendant la guerre d’indépendance : sa maîtrise de la langue anglaise fut très utile et c’est à cette époque qu’il devint un ami de Georges Washington. Mais il est surtout connu comme écrivain et économiste. Proche des encyclopédistes, il rédigea un article pour l’Encyclopédie, mais celui-ci fut censuré. Elu en 1775 à l’Académie française, il fut reçu par Buffon.
Son ouvrage Voyages dans l’Amérique septentrionale dans les années 1780, 1781 et 1782 (Paris : Louis-François Prault, 1786), remanié deux fois et constitué de deux tomes (tome 1 et tome 2), s’appuie sur les observations et les trajets qu’il a faits durant la guerre d’indépendance. Ses écrits ne traduisent aucun intérêt particulier pour les Amérindiens, qu’il évoque peu et semble mépriser.
Saint John de Crévecœur
Né à Caen, Guillaume Michel Jean de Crévecœur, dit Saint John de Crévecœur (1735-1813), passa quelques années au Canada comme cartographe militaire, puis décida de rester en Amérique du Nord. Il voyagea dans l’Ohio et dans la région des Grands Lacs avant de s’installer comme fermier dans l’Etat de New York. Il fuit en Europe durant la Révolution américaine et fit paraître à Londres les Letters from an American farmer, qui remportèrent un très grand succès : il publia une traduction en français très augmentée (tome 1 et tome 2), qui connut plusieurs éditions. Il devint alors consul de trois des quatre états des Etats-Unis. Il publia ensuite des écrits sur la médecine et l’agriculture. Relevé de ses fonctions de consul, il écrivit le Voyage dans la haute Pensylvanie et dans l’Etat de New-York, par un membre adoptif de la nation Onéida (Paris : Charles Crapelet, Claude-François Maradan, 1801), composé de trois tomes (tome 1, tome 2 et tome 3), et vécut en France et en Allemagne jusqu’à sa mort.
Ses ouvrages sont des mines d’informations sur les fermiers (il analyse tout à la fois leur psychologie et leur vie quotidienne) d’Amérique et sur les Indiens. Ses analyses sont riches et son style était très apprécié.
L’introduction du Voyage dans la haute Pensylvanie et dans l’Etat de New-York veut laisser croire au lecteur que cet ouvrage a été retrouvé dans les restes d’un bateau naufragé et qu’il est anonyme. L’auteur véritable ne se présente donc pas et peut ainsi faire les critiques qu’il juge nécessaires sur l’Europe.
Anne-Sophie Traineau-Durozoy