Entre 2006 et 2025, l'Institut Pprime et plusieurs partenaires ont mené des études sur la préservation des œuvres d'art peintes sur bois au XVIe siècle. Les scientifiques ont analysé comment ces panneaux réagissent aux changements de température et d'humidité, ainsi qu'aux différentes techniques utilisées pour les renforcer et les restaurer.

Un réseau transdisciplinaire de partenaires

Plusieurs institutions et spécialistes ont contribué à ces recherches avec un partenariat des secteurs privés et publics :

  • L’Institut Pprime (Université de Poitiers/CNRS), dont plusieurs chercheurs ont dirigé les études scientifiques : Fabrice Brémand, Pascal Doumalin, Jean-Christophe Dupré, Franck Hesser, Lionel Simonot, Valery Valle ;
  • Le Musée Fabre de Montpellier, où des expériences ont été réalisées sur des peintures anciennes ;
  • Le Metropolitan Museum of Art ;
  • Le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF), qui a notamment travaillé sur l’étude de la Joconde ;
  • Des ateliers spécialisés en restauration, qui ont testé différentes techniques de consolidation des panneaux (Atelier Tournillon, Atelier Amoroso Waldeis, Lumière Technology, Hazael-Massieu, Méliné Miguirditchian, S-MA-C-H Entreprise de promotion des études mécaniques pour le patrimoine – Science and mechanics in conservation of heritage).

Les chercheurs impliqués viennent de divers domaines : science du bois, mécanique des matériaux, métrologie (mesure de déformations), modélisation informatique et restauration d’œuvres d’art.

Les résultats obtenus lors des différentes expériences, recherches et tests

  1. Influence de l’humidité et des variations de température

Les panneaux en bois des peintures anciennes réagissent fortement aux variations d’humidité : ils se dilatent et se contractent, ce qui peut provoquer des fissures et des déformations. Par exemple, une différence de 13 % d’humidité peut modifier la taille du bois de 0,1 %.

Les études sur des œuvres comme la Sainte Trinité couronnant la Vierge du Musée Fabre ou la Joconde du Musée du Louvre montrent que les tensions accumulées dans le bois au fil du temps rendent ces œuvres plus fragiles face aux contraintes mécaniques. Vernis et peinture se craquèlent.

Source : Dans le Secret des œuvres d’art au Musée Fabre / Jean-Luc Cougy. Mis à jour le : 7 janvier 2020. Disponible à l’adresse : https://www.enrevenantdelexpo.com/2018/03/24/dans-le-secret-des-oeuvres-dart-musee-fabre-montpellier/ Source : La Joconde (vue sans cadre) : ace, recto, avers, avant ; vue d’ensemble ; vue sans cadre / Michel Urtado. © 2018 RMN-Grand Palais (musée du Louvre). Disponible à l’adresse : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:La_Joconde_(vue_sans_cadre).jpg

 

  1. Efficacité des systèmes de renfort

Les chercheurs ont évalué différents moyens de stabiliser les panneaux de bois :

  • Le parquetage traditionnel (des renforts en bois au dos des œuvres) réduit les déformations de 60 %.
  • Les cadres métalliques modernes, bien que solides, créent des tensions inégales pouvant entraîner des fissures.
  • Les systèmes à glissières souples (avec des matériaux élastiques) permettent un bon équilibre entre maintien et liberté de mouvement du bois.
  1. Nouvelles méthodes de suivi et de protection

Des procédés techniques ont été développés pour mieux surveiller l’état des peintures :

  • Un système d’analyse d’images pour mesurer avec précision les déformations du bois.
  • Une modélisation numérique avancée, qui simule la manière dont le bois réagit aux changements d’environnement.
  • Des capteurs de force optiques, permettant de détecter les tensions dans le bois sans contact direct.

Grâce à ces avancées, il a été possible d’évaluer les forces exercées sur les panneaux de la Joconde ou de la Sainte Trinité couronnant la Vierge et d’adapter les techniques de conservation.

  1. Stratégies pour protéger les œuvres à long terme

Les chercheurs recommandent plusieurs bonnes pratiques pour éviter la détérioration des panneaux peints :

  • Maintenir une humidité stable avec des variations limitées à moins de 5 % par mois.
  • Installer des capteurs de surveillance en continu pour détecter d’éventuels problèmes.
  • Utiliser des matériaux innovants, comme des alliages à mémoire de forme, pour réguler les contraintes dans le bois.

Une étude sur 5 ans a montré que ces précautions permettent de réduire de 70 % l’apparition de nouvelles fissures.

Conclusion

Grâce à ces recherches, des protocoles précis ont été développés pour mieux préserver les œuvres d’art sur bois. En combinant analyses scientifiques et techniques de restauration, il est désormais possible de prolonger la vie de ces chefs-d’œuvre tout en minimisant les interventions directes. La prochaine étape consiste à mettre en place des systèmes intelligents capables d’ajuster automatiquement les conditions environnementales en fonction des prévisions de dégradation.

Dans le cadre de l’exposition Dans le Secret des œuvres d’art (24 mars-2 octobre 2018) le musée Fabre a produit un film  « qui invite le visiteur à pénétrer les secrets de la matérialité des œuvres et le processus de leurs restaurations ». Jean-Christophe Dupré, chercheur à l’institut Pprime, y présente le système optique de mesure des déformations des panneaux de bois.

 

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