Pierre Canisius (1521-1597)

D’origine hollandaise, né à Nimègue, Pierre Canisius entra, en 1543, dans la Compagnie de Jésus créée depuis peu (en 1540) et devint ainsi le premier jésuite allemand. Il eut un rôle essentiel tant pour la Compagnie que plus largement pour le catholicisme allemand menacé au XVIe siècle par la Réforme protestante. Acteur important de la Contre-Réforme, il mit toute son énergie et sa grande force de travail à soutenir et redresser la foi catholique, au moyen de la prédication, de son engagement dans l’enseignement et de ses écrits. Apôtre infatigable (il aurait parcouru près de 100 000 km à travers l’Allemagne, l’Italie, la Suisse, l’Autriche, etc.), il a fondé 18 collèges, a enseigné à l’université d’Ingolstadt et a prêché dans les plus illustres chaires. Conseiller théologique, très apprécié, écouté et recherché par les plus hauts personnages politiques et religieux (empereurs, princes, papes), il exerça une influence considérable. Il occupa également la charge de provincial des jésuites d’Allemagne pendant 14 ans. Envoyé à Fribourg pour y établir un collège, il y passa ses 17 dernières années et permit l’installation de la première imprimerie de la ville.
Toujours estimé, il fut béatifié en 1864, canonisé et proclamé docteur de l’Église en 1925. En 2021, lors de la commémoration des 500 ans de la naissance du saint, une nouvelle province jésuite a été créée en Europe centrale avec, pour patron, Pierre Canisius.
Écrire pour défendre la doctrine catholique
Pierre Canisius fut un auteur prolixe. Par son œuvre littéraire il ne cessa de s’appliquer à fortifier la foi catholique, affaiblie et attaquée par la Réforme. Certains de ses ouvrages ont été rédigés en réaction directe à des écrits protestants. Ainsi son célèbre catéchisme, son œuvre majeure, devait riposter à l’immense succès du petit catéchisme de Luther, publié en 1528. Pierre Canisius déclina son catéchisme en trois versions (publiées en 1555, 1556 et 1558), adaptées à l’âge du lectorat destinataire, des plus jeunes enfants jusqu’aux élèves des classes supérieures. Traduit en de nombreuses langues, réédité abondamment (400 fois 130 ans après sa parution), le catéchisme de Canisius resta en usage jusqu’au début du XXe siècle. Dans les pays germanophones on donnait même à un catéchisme le nom de « Kanisi » (dérivé du patronyme d’origine de son auteur).

Avec les Commentariorum de verbi Dei corruptelis (commentaires sur la corruption de la parole de Dieu), Canisius entreprit, à la demande de Pie V, de réfuter les Centuries de Magdebourg, une histoire ecclésiastique particulièrement critique envers le catholicisme et le pape, écrite par le théologien protestant Flacius Illyricus (1520-1575). Son projet devait réhabiliter les figures du Nouveau Testament, Jean Baptiste, la Vierge Marie, saint Pierre et le Christ, malmenées par Flacius Illyricus dans ses 13 centuries parues de 1559 à 1574. Mais la tâche s’avéra longue et difficile, en partie car sa charge de provincial laissait peu de temps au jésuite. Il lui fallut quatre ans pour faire paraître, en 1571, le premier tome consacré à saint Jean Baptiste. Le second, dédié à la Vierge Marie (l’un des premiers traités de mariologie moderne), fut publié en 1577. Seuls ces deux tomes virent le jour. En 1583 et 1584, ils furent réédités, revues et augmentés par l’auteur, et réunis en un seul volume.
Hommage à la Vierge Marie

Plusieurs des planches gravées sur bois ornant l’ouvrage ont été réalisées d’après les dessins de Tobias Stimmer (1539-1584), graveur, dessinateur et peintre d’origine suisse (connu, entre autres, pour son remarquable recueil de figures gravées de la Bible, Neue künstliche Figuren biblischer Historien). Si seules certaines planches portent son monogramme « TS », la plupart semblent néanmoins pouvoir lui être attribuées. Une seule planche est consacrée à saint Jean Baptiste alors que dix représentent la Vierge (Vierge à l’enfant, aux litanies) ou des scènes de sa vie (Annonciation, Visitation, Nativité et Pietà), offrant de beaux tableaux comme celui de la Nativité par exemple.
Une reliure aux couleurs mariales ?
Est-ce par hasard ou à dessein que l’ouvrage arbore les couleurs associées à la Vierge, le bleu et le blanc ? Les tranches, par ailleurs ciselées, sont peintes en bleu, une teinte assez peu commune (lorsqu’elles sont colorées, les tranches sont le plus souvent rouges). La couvrure est en parchemin, une peau claire, proche du blanc. Cette reliure a peut-être été réalisée en Italie, d’où était originaire l’un des précédents propriétaires du livre, au XVIIe siècle.
Les différentes marques de possession présentes sur l’exemplaire ne sont pas surprenantes au regard du sujet de l’œuvre et de son auteur. La page de titre porte un ex-libris manuscrit et un cachet de la bibliothèque des Capucins de l’Immaculée Conception de Naples. Une estampille et une étiquette indiquent l’appartenance à l’éphémère Faculté de théologie de Poitiers (1875-1880) qui avait été confiée à des jésuites.
Sandrine Painsard
Bibliographie
Pierre Canisius : l’infatigable réformateur de l’Église d’Allemagne (1521-1597) / Pierre Emonet. – Paris ; Bruxelles : Lessius, 2020. – (Petite bibliothèque jésuite) (Vidéo en ligne de présentation par l’auteur)
Dossier en ligne consacré à Pierre Canisius à l’occasion du 500e anniversaire de sa naissance