Dans le cadre de l‘année Molière (qui célèbre les 400 ans de sa naissance), sont exposés, jusqu’au 30 septembre 2022, à la BU Droit-Economie-Gestion les 6 tomes des Œuvres de J. B. Poquelin de Molière (1805). On ne présente plus Molière (1622-1673), nom de scène, puis d’auteur, que celui-ci, né Poquelin, se donne, comme beaucoup de ses contemporains, mais on rappellera ici les grandes lignes de sa vie, comme le fit Voltaire en son temps : les quelques pages de ce grand philosophe, placées au début du premier tome, sont à lire avec la plus grande prudence, puisque de nombreuses informations, à commencer par la date de naissance de Molière, ont été révisées depuis. Ces six volumes ont été produits avec la technique de la stéréotypie, dont les prémices datent du début de l’époque moderne, mais qui est très utilisée aux XVIIIe et XIXe siècles pour reproduire rapidement les classiques, comme le sont déjà les œuvres de Molière. Quelques mots devront être dits également pour finir de l’exemplaire présenté, conservé au Fonds ancien, mais issu des collections de l’UFR Lettres et Langues, intégrées au Service commun de la documentation (que l’on appelle aujourd’hui plus volontiers Bibliothèques universitaires) en 2005 : l’UFR avait reçu, en don, la bibliothèque de Lucien Foulet (1873-1958), qui traduisit en français moderne de nombreux textes de la littérature médiévale française.
Quoi qu’aient écrit Voltaire et d’autres, il est peu probable que Molière ait étudié chez les jésuites et sous la direction du matérialiste Gassendi. On sait très peu de choses de sa formation. Il fait ses débuts d’acteur avec l’Illustre Théâtre à Paris, puis donne avec sa troupe des représentations en province pendant plus de dix ans. Il revient ensuite à Paris où il connaît un grand succès. Laissant une trentaine d’œuvres, il meurt sur scène pendant l’une des premières représentations du Malade imaginaire.
Stéréotypie
Cette technique consiste en un moulage d’une page typographique, qui peut ensuite être refondue rapidement dans le moule obtenu, de manière à éviter le travail laborieux, souvent source d’erreurs, de la composition typographique. La plus grande difficulté réside dans le choix du matériau pour le cliché. La stéréotypie se montre indispensable pour le développement du livre et de la presse au XIXe siècle, puisque le caractère souple du moule lui permet d’être placé sur un cylindre qui imprime de manière continue sur du papier produit désormais en rouleaux, et plus en feuilles.
Louis-Etienne Herhan (1768-1854), fondeur de caractères, réussit en 1800, avec trois autres personnes, à reproduire par clichage des assignats (monnaie papier en cours pendant la Révolution française). Ce procédé est perfectionné ensuite pour imprimer en stéréotype et c’est avec celui-ci que cet exemplaire a été produit. La marque d’Herhan, placée entre le titre et l’adresse, réunit ceux que l’on présente souvent comme les trois fondateurs de l’imprimerie, Gutenberg, Fust et Schoeffer, mais ce choix est curieux à plus d’un titre : les chemins de ces trois personnes se sont très vite séparés (du fait notamment du procès intenté par le banquier Fust à Gutenberg, dont il a financé les travaux) et la stéréotypie ne reprend pas (ou essaie de dépasser les limites de) ce qui fait le cœur de l’invention typographique, l’utilisation de caractères mobiles, identiques et très solides.
L’exemplaire
Cet ouvrage est l’une des deux éditions, tardives, des œuvres de Molière conservées par le Fonds ancien, qui n’a pas beaucoup plus d’ouvrages de son contemporain Pierre Corneille. Il est difficile de trouver une explication à ce constat, puisque les fonds sont le résultat de dons et de saisies de collections faites par des personnes très différentes.
Lucien Foulet constitue une riche collection de livres, anciens comme plus récents, que son fils Alfred, professeur de langue et de littérature romanes à l’Université de Princeton, cède à l’Université de Poitiers : tout cet ensemble est signalé dans le catalogue des BU, mais la liste précise des ouvrages est encore à faire, de même que les raisons de ce don à Poitiers, alors que Lucien Foulet résidait à Paris, sont à percer.
L’ajout d’une nouvelle reliure, sur laquelle a été intégrée la couverture d’origine, est un choix qui ne se ferait plus aujourd’hui, mais on peut lui reconnaître le mérite d’avoir protégé l’ouvrage.
Anne-Sophie Traineau