Passion, Senses, Asako I & II : en trois films, Ryûsuke Hamaguchi explore les états d'âme, et notamment ceux des femmes, dans le Japon d'aujourd'hui.

Senses, le premier film du japonais Ryûsuke Hamaguchi distribué en France, a été annoncé d’emblée comme un chef d’œuvre, mais aussi comme un objet de cinéma insolite : 5 épisodes regroupés en 3 parties pour la sortie en salles, au total cinq heures pour  décrire la vie de cinq femmes qui partagent une amitié sans failles, où du moins le croit-on, car lorsque l’une d’entre elles disparait, l’équilibre du groupe vacille.

Une expérience unique qui permet au spectateur de pénétrer l’âme des femmes japonaises d’aujourd’hui à travers leur vie régie par des conventions encore extrêmement rigides et une soumission obligée aux hommes, maris ou compagnons. Des femmes partagées entre le poids des traditions, la domination exercée par des hommes pourtant le plus souvent absents, et leur envie de vivre libre, d’écouter leurs désirs et leurs émotions.

Asako I &II (2019) est l’aboutissement de l’œuvre de Ryûsuke Hamaguchi, même s’il nous réserve peut-être encore des surprises, c’est une merveille absolue de cinéma, de poésie et d’émotion. Partagé entre réalisme et onirisme, le film suit le parcours amoureux d’Asako, une jeune japonaise incarnée avec une grâce absolue par Erika Karata, qui perd et croit retrouver le jeune homme dont elle était tombée éperdument amoureuse. Sous son apparence gracile et éthérée, Asako sait ce qu’elle veut et ira jusqu’au bout d’elle-même et de ses sentiments pour savoir qui elle aime vraiment.

Passion, distribué en France en 2019, est en fait le film de fin d’études d’Hamaguchi, réalisé en 2008, son premier film donc, où l’on retrouve déjà toutes ses interrogations : la difficulté à vivre en couple, à concilier amour, vie conjugale et liberté, les incertitudes du désir et de l’amour, l’aspiration des jeunes générations à autre chose que le modèle de vie traditionnel.

Trois films semblables et différents pour découvrir la vie et l’âme japonaise, les ressorts complexes des relations amicales, amoureuses et conjugales, l’évolution en quelques années d’une société très corsetée vers un mode de vie occidental, les aspirations des femmes à être libres, à être elles-mêmes peut-être encore plus qu’à aimer. De Passion à Asako, Hamaguchi évolue d’un cinéma trivial, âpre, parfois brutal, où le masculin domine, pas si loin des « Scènes de la vie conjugales » de Bergman, à une esthétique très épurée, teintée d’étrangeté et de poésie, plongée à l’intérieur de l’âme d’une jeune femme libre dont la force est toute intérieure.

A découvrir dans les collections de la BU lettres (actuellement à la BU Sciences), trois DVD édités par Arte.

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