Du 3 au 29 avril 2023, dans le cadre du Livre ancien du mois, l’ouvrage L'Adone (L'Adonis en français) du Cavalier Marin (1569-1625) est exposé à la Bibliothèque de Sciences, techniques et sport.
L’Adone / Giambattista Marino.- Venise : Giacomo Sarzina, [1623 ou 1626]

 

Le Cavalier Marin (1569-1625), entre France et Italie

hassé de la demeure familiale napolitaine pour avoir préféré la poésie au droit, Giambattista Marino se trouva dans la nécessité de chercher protecteurs et mécènes. Il fréquenta ainsi différentes cours italiennes et les milieux littéraires des villes où elles résidaient, en particulier les académies.

Portrait du Cavalier Marin gravé sur cuivre par Isaac Briot, 1621.- Austrian National Library, Austria – Public Domain.

En 1609, la faveur de Charles Emmanuel I, duc de Savoie, lui valut la dignité de chevalier de l’Ordre des Saints-Maurice-et-Lazare, d’où l’appellation de « Cavalier Marin ».

En 1602, Marino s’illustra avec ses Rime, remaniées et augmentées douze ans plus tard sous le titre La lira. En 1614, il publia aussi ses Dicerie sacre.

Marino s’installa à Paris en 1615, à l’invitation de Marie de Médicis. Durant son séjour en France, il donna entre autres les Epithalami (1616), La galeria et un recueil d’idylles, La sampogna (1620). L’Adone parut en avril 1623.

Peu après, le Cavalier Marin regagna l’Italie, où il reçut un accueil triomphal. Il s’éteignit dans sa ville natale, Naples, en 1625. Parmi ses œuvres posthumes, on peut notamment citer le poème La strage degl’Innocenti (1632).

 

L’Adone (1623)

vec près de 41 000 vers répartis sur vingt chants, L’Adone du Cavalier Marin est un des poèmes les plus longs de la littérature italienne (presque trois fois La Divine Comédie).

L’Adone / Giambattista Marino.- Paris : Olivier de Varennes, 1623.- Bibliothèque nationale de France.

L’évocation des amours de la déesse Vénus et du bel Adonis donne en effet lieu à de nombreuses descriptions, des digressions et des péripéties bien éloignées du mythe originel, le tout dans un style très recherché, apte à provoquer l’émerveillement du lecteur, but de la poésie selon Marino.

Peut-être commencé dès 1596, L’Adone fut imprimé pour la première fois à Paris en avril 1623 par Olivier de Varennes aux frais du roi Louis XIII. L’in‑folio comporte une double dédicace : au monarque, dont le nom et les armes apparaissent au titre, et à sa mère, Marie de Médicis, en tête de l’épître initiale. Celle-ci est suivie d’une introduction du poète Jean Chapelain, seule partie de l’ouvrage en français et non en italien. Elle présente l’œuvre comme une épopée de paix, par opposition aux épopées traditionnelles, guerrières.

À l’automne 1623, une édition in-quarto sortit à Venise sous les presses de Giacomo Sarzina.

 

Heurs et malheurs de L’Adonis

i L’Adone du Cavalier Marin est l’un des poèmes les plus longs de la littérature italienne, il est aussi l’un des plus controversés.

Il fut condamné par le pape Urbain VIII dès 1624 et mis à l’Index en 1627 en raison de ses scènes lascives et du mélange de sacré et de profane. Il continua cependant à être abondamment lu en Italie durant tout le XVIIe siècle (il était publié à Amsterdam) et alimenta une querelle entre marinistes, admirateurs et imitateurs de Marino, et anti-marinistes, ses détracteurs. En France, son succès fut plus bref.

L’Adone devint ensuite l’incarnation du mauvais goût, fut réputé illisible et tomba dans l’oubli.

C’est seulement dans la seconde moitié du XXe siècle, et surtout à partir des années 70 en Italie, plus tardivement en France, que s’amorça sa réhabilitation. Dans La scène de l’écriture (2002), Marie-France Tristan fait du Cavalier Marin le modèle du poète philosophe, à rebours de l’image qu’il eut pendant des siècles, celle d’un auteur futile et superficiel, misant tout sur le clinquant. Cette universitaire a en outre débuté la première traduction intégrale de L’Adone en français. Dans la préface du tome I, le seul paru pour l’instant (en 2014), Marc Fumaroli s’attache à comprendre les raisons, y compris politiques, de l’ostracisme dont fut victime le plus grand poète baroque italien.

 

L’exemplaire exposé

’exemplaire de L’Adone conservé par le Fonds ancien de l’Université de Poitiers est une édition vénitienne non datée, remontant probablement à 1623 ou 1626.

Adonis goutte-de-sang (Adonis annua) – Marie Portas [CC BY-SA 2.0 FR], via Tela Botanica
Sa page de titre, gravée sur cuivre par Francesco Valesio, figure le héros éponyme flanqué de son chien et du sanglier qui les blessa à mort au cours d’une partie de chasse. L’encadrement de fleurs et d’anges annonce également la triste fin du jeune homme. Son sang, tombé à terre et mêlé aux pleurs de la déesse de l’Amour, donna naissance, selon le mythe, à une anémone rouge (d’où le nom d’Adonis goutte-de-sang). Chez Marino, c’est son cœur, arrosé de nectar, qui fut métamorphosé par son amante lors de funérailles somptueuses (chant XIX, stance 420).

Ex-dono de Jean Barbot au titre de : L’Adone / Giambattista Marino.- Venise : Giacomo Sarzina, [1623 ou 1626]
Cette page de titre arbore un ex-dono, répété au début du chant I, celui de Jean Barbot (1695-1771). Ami de Montesquieu, Barbot fut secrétaire de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, qui ouvrit sa bibliothèque au public en 1740. Il en devint le premier bibliothécaire, après l’abandon de sa charge de président de la Cour des Aides de Guyenne. En 1751, il offrit sa bibliothèque personnelle à l’Académie. Il poursuivit ses dons et s’assura, par testament, que la bibliothèque publique hérite de tous ses livres.

Ex-dono de Jean Barbot au début du chant I de : L’Adone / Giambattista Marino.- Venise : Giacomo Sarzina, [1623 ou 1626]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’exemplaire de L’Adone ayant appartenu à Jean Barbot fut manifestement à nouveau relié au XIXe siècle.

 

Pour aller plus loin

Demi-reliure XIXe siècle en maroquin vert
Ressources papier

GIAMBONINI Francesco, Bibliografia delle opere a stampa di Giambattista Marino, Florence, Leo L. Olschki, 2000 (Biblioteca di bibliografia italiana)

GRAZIANI Françoise, Variété du conceptisme, Paris, Classiques Garnier, 2019 (Lire le XVIIe siècle, Série Voix poétiques ; 7)

MALATO Enrico (dir.), Storia della letteratura italiana, Volume V, La fine del Cinquecento e il Seicento, Rome, Salerno editrice, 1997, en particulier le chapitre V, « Giovan Battista Marino », par Giorgio FULCO, p. 597-652

MARINO Giambattista, Adone = Adonis. Tome 1, (Chants I-V), introduction de Marc FUMAROLI, traduction et notes de Marie-France TRISTAN, Paris, Les Belles lettres, 2014 (Bibliothèque italienne ; 36). – L’introduction de Marc FUMAROLI est parue sous le titre « L’Adone : un ostracisme littéraire réussi », dans Commentaire, N° 146, 2014/2, p. 315-325 (accessible en ligne via Cairn pour les membres de la communauté universitaire de Poitiers)

TRISTAN Marie-France, La scène de l’écriture : essai sur la poésie philosophique du Cavalier Marin, 1569-1625, Paris, Honoré Champion, 2002 (Bibliothèque de littérature générale et comparée ; 34) 

TUZET Hélène, Mort et résurrection d’Adonis : étude de l’évolution d’un mythe, Paris, José Corti, 1987

 

Consultables en ligne

BOHNERT Céline, « Les métamorphoses des amours de Vénus et Adonis ou La naissance d’un mythe » et « La fable d’Adonis dans les collections de peinture de Louis XIV », dans DURON Jean, FERRATON Yves (éd.), Vénus et Adonis tragédie en musique de Henry Desmarets (1697) : livret, études, commentaires, Sprimont, Mardaga, 2006, p. 9-28

CÉLESTE Raymond, Histoire de la Bibliothèque de la ville de Bordeaux, Bordeaux, Université Bordeaux Montaigne, SCD, 2013, reproduction numérique de l’édition de Bordeaux, G. Gounouilhou, 1892

DUPRAT Anne, « Entre poétique et interprétation. Sur la Lettre-préface de Jean Chapelain à l’Adone de Marino (1623) », dans Littératures classiques, N° 86, 2015/1, p. 117-128

GUGLIELMINETTI Marziano, « Les avatars romanesques et autobiographiques de l’Adone de Marino », dans Discontinuité et/ou hétérogénéité de l’œuvre littéraire, Cahiers FoReLLIS : formes et Représentations en Linguistique, Littérature et dans les arts de l’Image et de la Scène, N° 8, 1997

MARTINI Alessandro, « Marino, Giovan Battista », dans Dizionario biografico degli italiani, vol. LXX, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 2008

TERZOLI Antonietta, « Frontespizi figurati. L’iconografia criptica di un’edizione secentesca dell’Adone », initialement publié dans Italianistica, vol. 38, N° 2, 2009, p. 299-314 et repris dans Margini. Giornale della dedica e altro, Biblioteca, N° 7, 2013

TRISTAN Marie-France, site Exploration du baroque

« Giovan Battista Marino » et « L’Adone » dans WIKIPEDIA EN ITALIEN

La Bibliothèque nationale de France a numérisé sur Gallica une édition vénitienne non datée qui ressemble beaucoup à la nôtre ; cependant quelques ornements diffèrent (bandeaux, lettres ornées, fleurons). Notre exemplaire s’apparente plutôt à celui de la Bibliothèque nationale centrale de Florence.

 

Stéphanie Daude

 

 

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